25.6.09

je n'aimerais pas être clown

(Quand je m'ennuie en congé maladie, j'écris)
(La première version de ce texte date du 23 juin mais il a été corrigé plusieurs fois)
(ARRGGG : nouvelle correction du 30 juin - découverte d'une émission ("mots croisés") où le sketch de Desproges que je cite dans les réponses aux critiques est montré (je pense par Guillon lui-même) pour répondre à "peut-on rire de tout ?". J'avais mal cherché, donc - on peut lire tout de même mon post qui n'est pas si nul et si finalement je tombe d'accord avec le sujet central du post, c'est pas si grave)

Motivation (comme on dit au boulot)
Je me découvre, en ces temps de maladie où le travail n'occupe qu'une part infime de ma pensée, une personnalité de ringarde absolue. Un collègue particulièrement branché, sympathique et attentif (dans l'ordre qu'on veut) m'a orienté en ce début de convalescence longue vers tous les podcasts auxquels il est abonné. Je comprends un peu mieux pourquoi il est branché : il sait, lui, utiliser sainement ses déplacements automobiles ou pédestres pour cibler des informations pertinentes sur le monde hors de son champ de perception, là où je me limite à m'informer du degré d'incivilité de mes concitoyens en temps réel (aujourd'hui 5.8 sur l'échelle Nicolas Sarkozy, comme dirait Bilal dans Froid Equateur) ou je me repais de romans, inutilités futiles s'il en est.
Alors c'est en juin 2009 que je découvre l'existence de Stéphane Guillon. A ce degré de ringarditude (comme on dit maintenant), je devrais avoir honte, mais finalement j'ose exposer publiquement devant mon quart de lecteur (ce blog est presque mort de faim) cette infirmité. Je note en passant qu'attendre que l'on m'informe des éléments saillants du monde a toujours été mon point fort, sauf en cinéma, en bd et en littérature, où je suis plutôt un agent pro-actif (piètre défense, ici). Je serai obligée dans ce post qui se veut un peu intelligent, documenté et pertinent, de me référer à l'occasion à des sentiments personnels, sinon on peut ne pas comprendre pourquoi, soudain, je prends pour sujet l'homme le plus podcasté de France, moi qui hais la mode des médias et m'en tiens, comme dit ci-dessus, systématiquement éloignée en cultivant la surdité et l'aveuglement (blague peu drôle en ces temps où je suis - réellement - borgne provisoire en souffrance).

Ce que je vais tenter de développer en quelques points ici, et que je n'ai pas trouvé bien exprimée dans ma recherche frénétique d'informations, de commentaires et de visionnage de chroniques ou extraits divers du monsieur sus-cité et sous-cité, c'est l'idée que Stéphane Guillon a réussi, en quelques jours, à remplir dans mon coeur un bout du vide intersidéral que la mort de Desproges y avait laissé. [Pour indication les nuls avaient déjà une petite place à cet endroit (j'ai beau pas être à la mode, j'ai les goûts de tout le monde - paradoxons)].

Ce n'est pas rien.

On peut d'ailleurs noter que pour pas mal de personnes de mon entourage qui sont en général de bon conseil (père, mère, chéri, ...) mon enthousiasme semble absolument déplacé et ce type ne présente pas un intérêt à la hauteur de ce que je lui prête. Seuls quelques commentaires informés trouvés sur la toile, par exemple celui de Frédéric Schlesinger (visible sur http://www.dailymotion.com/masterjournalisme08)
semblent aller dans mon sens. Je vais essayer de montrer pourquoi SG me semble un grand clown (je préfère à "humoriste", principalement parce que je ne vois pas bien la différence, je suis loin d'être la personne la plus maligne du siècle, mais aussi parce que je trouve que son travail de création de personnage, qui a évolué dans le temps de façon visible je trouve même si je ne développe pas, autorise à le classer dans cette catégorie) et dire quelles différences et points communs je vois avec le travail de Desproges, vu comme
grand maître de l'humour noir et enchanteur du quotidien. (Sur Desproges, je n'ai aucun texte sous la main, et c'est ma mémoire de luciole qui est utilisée, il peut y avoir quelques erreurs.) Les contraintes fortes qui impliquent les différences me semblent être : la nature même de la société dans laquelle SG doit s'inscrire, mais aussi sa personnalité et, peut-être (pardon), sa plus faible compétence apparente dans la mise en scène.

Données
Mes réflexions s'appuient sur une documentation que j'ai rassemblée de façon très concentrée dans le temps (les trois derniers jours, tout sur le oueb gratuit). Il s'agit principalement de l'écoute (et un peu de visionnage) assez systématique des vidéos de ses chroniques sur France Inter (donc datée de moins d'un an et plus ou moins positionables dans le temps, collant à l'actualité - c'est Daily Motion qui fournit la base), qui m'ont largement plus intéressée que les quelques portraits sur Canal que j'ai pu voir (et d'ailleurs je pense que si j'avais découvert le bonhomme par ce biais-là, je n'aurais qu'haussé un sourcil poli, comme par exemple pour Baffie, que j'aime bien et qui a la grande classe, mais ça s'arrête là - deux hypothèses à mon désintérêt seront dans le texte) ou ses extraits de spectacle, que je ne peux pas dater du tout avec Daily Motion et qui sont très inégaux en qualité (de la tranche de foie gras au big mac). J'ai aussi regardé un peu le site officiel (étonnamment illisible), les interviews, lu quelques commentaires de fans ou ennemis sur des blogs, vu quelques vidéos prises apparemment par des étudiants dans des écoles où il est intervenu, et lu un papier intéressant par le vide de l'argumentaire mais la présence de reproches difficiles à comprendre, dans un Marianne récent (à part si on y reconnaît l'obsédant "c'était mieux hier"),
http://www.marianne2.fr/Avec-Stephane-Guillon-le-rire-est-fini_a180922.html
et finalement regardé envoyé spécial du 18 juin qui, en gros, n'apporte pas grand chose à une bête recherche par mot-clef sur google sauf quelques images plus ou moins intimes permettant de matérialiser un peu le quotidien. Je n'ai donc, déjà dit, que des informations visibles sur le web et accessibles facilement avec google, daily motion et you tube, sélection un peu spéciale car
, hors des images officielles de France Inter, elle relève également de la construction du personnage par une "communauté" (abstraite) de gens qui ont cru bon de rendre accessibles ces données. Je n'arrive d'ailleurs pas bien à savoir si je m'intéresse à SG ou à l'image de SG, ce qui est bien en phase avec notre monde contemporain (société du spectacle disait l'autre), on se refait pas. Comme j'ai arrêté de m'intéresser à la sémiologie, la philosophie, la critique littéraire et toutes ces choses intelligentes à l'âge de 20 ans, je ne vais sûrement pas dire des choses vraiment fines, et on peut s'attendre plutôt au café du commerce. Accrochons-nous.

Le personnage
Synthétisons un peu les informations.

Déjà, sur le personnage de clown : méchant, caustique et cynique, noir, parfois à la limite du vulgaire avec grand usage de mots à connotation sexuelle, un intérêt thématique fortement porté sur le traitement médiatique, et en sous-catégorie centrale le people, même quand il s'agit de discours sur le politique, mettant malgré tout en avant plutôt des valeurs dites "de gauche" mais qui semblent plutôt bêtement humanistes et pourraient être de droite classique avec morale (dite "pré-UMP").

Sur le personnage public, tel qu'il apparaît dans les interviews, les commentaires ou le reportage : pas d'études (commentaires positifs (!!) sur twitter sur ce sujet, alors qu'on s'en fout un peu, y'a un vrai problème avec l'école dans ce pays), riche, père de famille nombreuse qui semble très attaché à sa femme avec qui il travaille en étroite collaboration, gros gros gros bosseur et légèrement prosélyte sur le sujet (on le dirait presque protestant, à ce point-là) insistant sur le fait qu'il montre à voir un résultat d'ordre professionnel (souvent, quand il est attaqué, il le rappelle), qui a eu a faire un choix fort vers le one man show parce qu'il ne perçait pas autrement, appréciant peu la vie people, et puis pas mal de caractéristiques presque inhérentes au métier de clown et de la scène : anxieux, misanthrope, exigeant, mélancolique voire triste, précis, en décalage avec le monde.
Avantage certain pour capturer une certaine audience : beau mec devenant de plus en plus sexy avec l'âge (avis personnel mais aussi identifié dans les diverses sources d'information, touchant femmes et hommes d'âges divers, même dans le reportage de France 2 ça commence "charmeur, blablabla") - on peut noter que, à mon avis, les chroniques sont d'ailleurs meilleures à regarder qu'à écouter, il est du genre d'acteur qu'il faut voir impérativement, peut-être. Il a d'ailleurs (commentaire esthétique) une voix qui s'améliore en devenant plus grave avec le temps, je me demande si ce n'est pas même de là que vient mon désintérêt des portraits sur Canal - il avait
anciennement une voix nasillarde (hypothèse 1 annoncée plus haut).
Je trouve, quand même à ce stade, que le jeu entrelacé : côtoyer les peoples, leur parler en public, connaître très bien toutes les ficelles, et in fine
ne pas trop aimer fréquenter les lieux de leur rassemblement - si c'est un exercice réel et pas seulement simulé pour les besoins du personnage public - est suffisamment complexe et post-moderne pour me plaire. Ce n'est pas précisément profond, on ne peut pas aller jusque là, mais c'est preuve d'une forme de cohérence qui n'est pas si souvent mise en avant en ce moment.

Les chroniques
Dans les remarques qui suivent certaines seront reprises dans la section d'après car je dis ici qu'il fait des choses que certains critiques lui reprochent de ne pas faire.

Il faut noter déjà, que quand on écoute les chroniques on retrouve parfois des bouts de texte très bien rodés issus des spectacles. Au vu de la densité de la présence qu'il faut avoir dans les minutes qu'il pose sur la table tous les matins, ça se justifie assez bien. Le style est très cohérent et suivi, ce qui est normal pour pouvoir exercer ce métier, mais qui mérite d'être apprécié car un style personnel développé comme ça et mobilisable à chaque moment, c'est déjà en soi un boulot monstre. Je trouve la langue agréable et très correcte, même si elle n'est pas le centre de l'invention chez lui. Mais il est vrai que je suis une utilisatrice régulière de gros mots, et je conçois qu'on trouve qu'il en utilise un peu trop.
Je n'ai pas détecté de changement de style net sur les chroniques, par contre les portraits et les chroniques se démarquent nettement. Je trouve les chroniques plus denses, sûrement parce qu'il n'y a pas besoin des rires du public, et il y a fatalement plus de choses à dire sur un sujet libre. Elles sont aussi un peu moins basées sur le personnel, par définition, ce qui permet de faire passer plus d'éléments de sa vision du monde. Justement.

"la voix de ceux qui n'ont pas de voix" - ça c'est lui qui se revendique, et ça ne semble pas faux. Une accumulation de remarques très sanglantes vis à vis d'un pouvoir irresponsable et dépensier, mise en avant de contradictions dans les choix politiques que peu de média relèvent (sauf sûrement le canard, mais il a une audience différente) et beaucoup d'incantations auprès du public à ne pas perdre de vue le contexte dans lequel les médias s'agitent : crise, nombre de chômeurs élevé, SDF, réalité de l'enfance, de l'immigration, pas mal de détail assez terre à terre du quotidien. En ça, je trouve qu'il joue bien ce rôle, mieux que la plupart des comiques que j'entends ou ai entendu. Je pense en particulier aux textes sur "Welcome", la rolex à 50 ans, les enfants en prison, NS chez les narco-trafiquants. (Je ne fais pas du tout exhaustif, puisque j'ai écouté le tout une seule fois, mais je ne prétends pas à un travail de rigueur absolue, je peux ajouter à la demande -dit-elle à ses non lecteurs). Il réussit à pousser tout le monde à acheter le disque des restos du coeur tout en disant que ce n'est pas bon, mais "quand il n'y aura plus de pauvres en France, ce ne sera plus la peine" - citation approximative. La présence récurrente de ce type de positionnement fait penser que l'auteur des textes (SG) a réellement un but pédagogique qu'il déroule dans la continuité de son discours, il y a une vision du monde à faire passer, doucement, et vu cela, je ne suis pas du tout persuadée, comme certains critiques, que choquer soit une fin chez lui. Ca semble plus un moyen.

un intérêt obsessionnel pour le spectacle. les médias et le people, j'ai déjà dit, sont les sources thématiques. Rapidement on peut conclure que c'est logique que ce soit ses collègues qui se plaignent de lui de façon récurrente et violente. Comme en plus les médias français contemporains sont très coupés de leurs lecteurs / auditeurs (référence paradigmatique : le référendum sur la constitution européenne avant le "pilonnage médiatique" pour reprendre un terme de journaliste, et après la réaction de Serge July), on imagine un peu leur désarroi moyen. Bien sûr, ça peut avoir les défauts de ses qualités quand c'est poussé à l'extrême, et on n'est pas forcément passionné par ses remarques sur ses voisins de table le matin sur France Inter. D'autant que des fois il est un peu méchant pour des gens qui nous sont inconnus, il s'amuse tout seul (mais bon, moi aussi j'aime bien m'amuser dans mon boulot). (hypothèse 2 référant à l'introduction : les portraits n'étant que sur la vie des stars et ceci ne m'intéressant guère, je ne vois pas pourquoi j'aurais accroché...).
Visiblement, il aime aussi tout simplement ce thème parce qu'il n'apprécie pas vraiment le monde du strass et s'en sent éloigné (personnage public). En plus, cela me semble assez cohérent avec l'idée qu'il se présente sans cesse comme un professionnel pur : il voit aussi les personnages publics sous cet angle et c'est ainsi qu'il les attaque principalement. Ou du moins qu'il prétend les attaquer, je suppose que certains doivent sentir des tendances personnelles parfois, mais la limite est complexe.
En même temps, à mon sens d'évolutionniste inconditionnelle et vu ce qui est décrit de ses difficultés antérieures, c'est aussi un problème de sélection : il est un peu inimaginable que ce type ait perçé ainsi en 200x sans cette forte obsession thématique. C'est l'époque qui veut ça, la télé regarde la télé et quand on est à une table de radio il faut se moquer de ses voisins immédiats, à la fois pour faire rire les auditeurs dont la vie est tournée vers les médias, et par habitude de ce monde. Là, on peut dire que Desproges était d'un autre temps. On pouvait alors faire un monsieur Cyclopède sur Napoléon ou Hitler et faire rire. Imaginons maintenant, bof.


une affirmation permanente de virilité. En tout cas, beaucoup de références aux couilles. Référence externe : si on écoute un peu les blogs de France Culture passant les émissions de la BNF, il y a justement un cour tout récent par des historiens pile sur les représentations de ce qu'est un homme : la semence, le courage, la bite qui ne mollit pas, tout cela est essentiellement lié dans le discours depuis la fin du XVIII ième. Alors ça m'interpelle de l'entendre en permanence chez Guillon, qui associe toujours courage et couille (on peut s'en faire greffer / conclusion du discours de Sarkozy en nouveau comique) ; il dit même, dans une interview que j'ai entendue il y a deux jours, je sais plus laquelle, qu'on aurait dit que s'il est aussi couillu quand il est avec sa nana que dans ses chroniques, elle doit être contente (approximatif). C'est un trait de son personnage de clown qui m'étonne plus que les autres et c'est pourquoi je m'étends un peu dessus. Il est difficile de déterminer si c'est par peur personnelle (mais on doute, au vu de la maîtrise globale du personnage, qu'un truc aussi direct puisse passer), par pure plaisir de dire le mot, pour choquer facilement ? Il aime parler de cul, ça semble un plaisir, alors ça va peut-être bêtement dans le même sens. Bien sûr, ça peut aussi rebuter pas mal de monde, les gens ne sont pas trop versé dans ce vocabulaire en moyenne...

une foisonnante création d'univers absurdes. C'est pour moi sa grande qualité, et je pense ce qui m'a fait m'intéresser immédiatement à son discours. C'est une partie parfaitement maîtrisée, en renouvellement permanent et qui passe comme des vérités - la liste des cadeaux de Noël de l'Elysée, 50 bulletins de Ségolène Royal retrouvés dans le sac d'un aspirateur d'une permanence lilloise, les deux bébés siamois décollés dans le crash. C'est le principe de l'humour noir, sûrement, qui le pousse à ça, mais c'est sa forme à lui de poésie. En ça, il s'approche de Desproges (humour noir) mais en diffère à nouveau. Desproges, si je ne me trompe, était plus proche du quotidien dans ses décalages, et jouait beaucoup plus sur le calembour et les jeux de mots, ce que SG utilise peu.
Aussi, pour mettre en place son univers personnel, SG se répète - chaque personnage décrit a une marque nette qui lui colle à la peau, un peu comme dans les Guignols. De façon plus générale, on trouve par exemple les membres de certaines institutions en grabataires à chaque apparition (CSA, Conseil constitutionnel). Cela aussi participe à la fondation d'un univers, certes caricatural, mais assez complet et cohérent, qui raconte bien notre monde institutionnel et qui est en moyenne assez bien fondé sur des faits observé. A l'inverse, je trouve que Desproges était plutôt dans une variation sur quelques thèmes et une poésie de la transformation du même, de la multi-interprétation du même fait (par exemple, les multiples commentaires de Guernica dans son agenda).

Le noir et le monde ré-enchanté - ce sont les deux points communs avec Desproges qui ont éveillé de suite mon intérêt. Les chemins pour y arriver sont très divers, donc. Celui des Nuls était encore autre. Je ne cite là que ce que je connais relativement bien, j'ai déjà dit que j'ai une culture d'escargot, non ? En bédé, (je ne sais pas pourquoi mais) il me rappelle un peu F'murr, et (là je sais pourquoi) l'équipe de Hara-Kiri de la grande époque.

de bonnes imitations. Je suis allergique aux imitateurs en général, et lui j'aime bien. Ses accents sont réussis et il tape seulement dans un petit registre de personnalités qu'il fait très bien. Surtout, les textes sont bien adaptés aux personnalités, très crédibles (je pense surtout à NS et à Lucchini). [Ce n'est sûrement pas un bon compliment de ma part, puisque je n'aime pas les imitateurs, donc compétence sur le sujet = 0.]

une grosse documentation et de bonnes synthèses. C'est comme le côté bosseur pathologique, ça se sent en trois chroniques et deux portraits, il veut savoir tout sur tout pour ne pas dire de conneries (de son point de vue). Confirmé par l'image donnée dans le documentaire. Il fait en outre, à mon avis, de très sérieuses explications de texte, mises en relation de documents trouvés dans des médias divers. L'exemple de Martine Aubry est celui qui apparaît dans le documentaire, mais il applique un peu à Séguéla, un peu à tous les ministres, et à sa chronique déjà mythique "the sky between us". C'est plutôt minutieux. (J'admire d'autant plus que c'est un travail où je suis nulle, et donc je sais le voir et l'apprécier chez les autres).

du courage. Globalement, dire ce qu'il ne faut pas dire en étant conscient des tabous me semble toujours très courageux, même si c'est mauvais ou si je ne suis pas d'accord. On s'expose beaucoup. D'ailleurs il se fait pas mal attaquer. Mais cela s'applique aussi à des humoristes que je n'aime pas particulièrement ou à pas mal de gens qui font des chroniques dans les journaux. Un petit point intéressant dans les textes de SG, même quand il se dit lâche il est courageux (sur les barbus). Je suis de ceux qui aiment ce type de figure de style.

Les critiques
Parmi celles que j'ai entendues / lues, certaines sont un peu anecdotiques :
"Pas assez de vocabulaire" "pas de jeu avec les mots" - oui bon, peut-être mais il n'y a pas qu'une façon d'utiliser la langue, tant que c'est correct, c'est toujours mieux que la moyenne.
"Fumiste qui force les gens à rire" - c'est bizarre pour quelqu'un qui remplit des salles - paie-t-il les spectateurs pour venir ? Est-on payer d'autant plus qu'on s'est plus ennuyé ou qu'on a plus participé au rire collectif ? Bon plan, tout le monde y va.
Revient toujours la question de la méchanceté. Dans ma tête j'ai mis ça dans la rubrique "choquer" - moyen plutôt que fin - mais il est vrai que parfois il s'attaque à des collègues de son boulot, ça ne cause à personne, ça semble bizarre (et d'ailleurs il y a des réactions sur le plateau). Il a aussi une tendance à taper facilement sur le physique des gens. A la limite, quand ils le choisissent volontairement et que ça se voit (UV ou chirurgie), et alors on peut dire que la "triche" de cette personne est une donnée publique...., à la limite. Sinon, je trouve ça un peu bas, mais c'est ma vision du monde.
"n'a pas le sens de la répartie". Euh... plus que moi, très certainement.
Raciste, homophobe, sexiste. Est-ce vraiment une remarque tenable sur le long terme ? Pas à ce que j'ai vu en regardant beaucoup de chroniques, même s'il est indéniable qu'il dit parfois des choses qui localement semblent absolument inutiles et un peu trop dans les caricatures habituelles. Juste une question qui se pose pour moi : un épisode me choque personnellement un peu. Il s'agit du sketch que j'ai trouvé sous l'appellation "la vie d'une femme" dont la date n'était pas indiquée. Je me suis demandé un certain temps s'il allait s'y dérouler quelque chose de drôle ou d'intéressant, hors poncifs convenus, mais je n'ai pas compris ou trouvé quoi que ce soit. Je pense, mais ça c'est vraiment pas mes oignons, qu'un spectacle peut faire 10 minutes de moins et ne pas avoir ce truc un peu visqueux au milieu. Je redis : j'ai pas vraiment à exprimer mon avis, je ne vais pas faire l'erreur de me projeter sur SG, si lui il trouve ça drôle, ça veut dire que ma proximité intellectuelle n'est pas totale - il existe donc plusieurs êtres humains sur terre, c'est plutôt rassurant.
"Il est nul en mise en scène" trouvé sur des commentaires sur un blog ou je ne sais où. Je suis obligée de reconnaître que face à ma référence principale ici - la minute de monsieur Cyclopède - il y a un sacré manque de decorum. C'est d'autant plus criant que quand il fait une mise en son (on dit ça ?) ou quand il met trois photos de Ségolène dans son dos, c'est très très efficace. Pourquoi pas plus ? Parce que c'est de la radio ? Oui mais c'est filmé.... [Je crois que celui qui avait mis ce post précisait plutôt une lecture sans vie, et j'ai plus de mal à suivre sur ce point.]

Le seul texte entier et construit que j'ai trouvé est celui de Marianne cité en intro, qui m'a d'abord interpellé (à la première lecture) car les thèses auraient pu être pertinentes, puis je l'ai relu et j'ai été soudain un peu déçue du travail du monsieur qui a écrit ça (c'est un peu pour ça que j'ai écrit ce post). Il m'a semblé particulièrement mal informé. Par exemple, il n'a pas identifié que la blague du crash était issue d'un vieux spectacle, au moins 2007, et son sens est clairement un positionnement contre l'hypocrisie médiatique.
A propos de l'hypocrisie sociale, je fais un aparté pour envoyer vers un auteur que je trouve très intéressant, Eric Chevillard et son blog, numéro 561, je mets la citation à la fin avec le lien de la BNF sur la construction de la virilité.
Revenons à l'article : avant de critiquer publiquement, j'aurais fait attention, non ? Ensuite il se plaint principalement du "gros dérapage" sur DSK (que mon père n'a pas du tout aimé. quant à moi, même après plusieurs écoutes, je trouve qu'il ne tient pas complètement la longueur et devient un peu répétitif mais rien de choquant). J'ai vu la petite justification que donne SG sur @si et j'avais déjà plus ou moins tiré les mêmes conclusions de cette histoire. Il me semble étrange qu'un type dont le comportement le ferait virer de n'importe quelle entreprise privée, avec forte suggestion de suivre une thérapie, on ne plaisante plus trop avec le harcèlement sexuel de nos jours, puisse, sous couvert de célébrité et de responsabilité internationale (donc d'insertion dans un réseau particulier), faire un peu ce qu'il veut et ne pas accepter qu'on signale les abus. Il trouve ça méchant ? Et c'est pas méchant son comportement à lui, considérant qu'il ne se fait pas soigner et n'essaie pas de changer, justement ? Et irresponsable ? Je trouve bizarre que les journalistes (même dans ce type de publication), en plus de ne pas oser dire les choses, engueulent ceux qui disent. Ca se tient évidemment sur tous les reproches fait au pouvoir. Ce journaliste, dans sa rubrique dit en particulier que SG ne s'attaque pas aux puissants. Alors je me dis qu'on ne parle peut-être pas de la même personne, parce que justement, c'est LE puissant de notre pays qui est très largement dans son collimateur, et c'est rare qu'il laisse ses ennemis tranquilles, donc il y a courage. En plus j'ai déjà dit, ses argumentaires sont - tout de même souvent - basés sur la mise en relation de faits réels plutôt saillants et oubliés par les médias traditionnels. Le côté langue de pute, je l'attribue à l'impossibilité de tenir ce rythme dans la synthèse intéressante. On est obligé de faire dans la facilité parfois. Et l'actualité n'est pas toujours au rendez-vous (il le dit lui-même une fois où il tombe bas, mais je n'ai plus la référence).
Le journaliste - je l'attaque un peu personnellement mais il me semble typique de ceux qui disent du mal sans savoir de quoi - dit :
La provocation actuelle - et Stéphane Guillon en fournit un exemple achevé - cherche moins l'éclat de rire grâce à la libération d'un corps heureux de se laisser aller que les grincements du coeur et de l'esprit, le malaise oscillant entre ricanement presque drôle et indignation légère.
Je me souviens de Desproges et de son "on me dit que des juifs se sont glissés dans la salle". Rire libérateur ou création de malaise - je préfère la seconde option, bizarrement.
Bref, je trouve que ce journaliste nous fait tout un foin d'un changement de monde juste parce que SG ne le fait pas rire. Ca c'est légitime. On ne peut pas se forcer à trouver quelqu'un drôle, où est le souci ? Je ne vais pas non plus m'appesantir, c'est hors sujet mais ça m'énerve aussi, sur son introduction pompeuse sur "Bergson parle du rire mais ça ne nous aide pas ici". A-t-il lu Bergson, même, pour que ça l'aide ? Ou en a-t-il parlé en cours de terminale ? Je peux faire plein de variations, si je veux... "malgré les recherches en neurosciences sur le rire, on ne peut pas savoir pourquoi le public de SG rit" (et je pense que ce n'est pas une contre-vérité en 2009). Je ne sais pas si ça aide à comprendre le propos général du texte.
Bon, là je retombe un peu dans mes travers professionnels, il est temps de conclure.

Conclusion
L'exercice de grande concentration de recherche sur un sujet que je suis la seule à ne pas connaître était très intéressant car il révèle que finalement, il y a peu de commentaires réels et soutenus par des exemples textuels ou des références dans l'internet gratuit (je ne dis pas que le mien en est un, mais au moins j'ai essayé un peu). Cela m'a permis aussi de passer de l'état de midinette obsèdée à s'en faire péter les tympans par un humoriste beau gosse à fan d'un clown plutôt profond et cohérent qui peut justifier de ce qui lui plaît dans un travail. On se sent moins bête.

J'ai une sensation mal justifiée face au travail de Stéphane Guillon. Ca va avoir l'air absurde et mal venu, puisque ce type a 10 ans de plus que moi, mais ça me semble encore "jeune". Je pense que c'est justement le retour régulier au mode potache comme refuge qui me fait penser ça. Je n'ai aucun moyen de justifier, mais j'aimerais voir l'évolution sur deux-trois ans. Pour l'instant je ris beaucoup, je ne le nie pas non plus. Et pourrait-il garder son public sans ça (toujours la même question).

Deuxième point qui en découle : combien de temps cela peut-il durer ? Deux problèmes : l'usure, le risque.
Comme je suis plutôt du mode fainéant, je me demande s'il est possible de tenir à ce rythme endiablé bien longtemps. L'humain a des limites physiques. Mais je suppose que dans les médias, tout le monde est plus ou moins comme ça...
Je n'arrive même pas à comprendre comment j'ai pu, en étant si en retard, entendre une seule intervention de Stéphane Guillon en live, après tout ce temps passé à se faire détester. Le fou du roi est nécessaire au pouvoir, mais pas quand le roi ne joue plus ce jeu-là et qu'il achète tous les récalcitrants ou les fait virer. Je m'étonne encore, et je prie un peu (pour une fois) pour avoir la chance que la liberté d'expression par le rire agisse encore hors du local, entre amis à table, et se voit sur toutes les radios, les chaînes, ... C'est pas gagné.
Sur les conclusions sur liens et différences avec Desproges, j'ai déjà fait des mini-conclusions dans le texte, je ne commente pas.
Je reviens juste à mon titre : je n'aimerais pas être clown. C'est très compliqué, long, laborieux, ça implique beaucoup tous les aspects de sa propre vie et force à voir le quotidien sous un angle vraiment très triste. En plus c'est courageux - il faut à longueur de temps s'excuser. Et dernier point que je détesterais : répéter sans cesse les mêmes blagues. C'est vraiment éprouvant, vu de l'extérieur, même si c'est certainement une vocation et que passé un certain stade, on ne sait plus rien faire d'autre.


Deux références :
Lien de la BNF
http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/nouveau_prog/connaissance/alacarte_fiche.php?src_id=1&diff_id=255000171

Dans le 561 de Chevillard :
Nul ne pousse la compassion jusqu’à s’affliger sincèrement d’une inondation dans la cave d’un autre. S’il est une chose dont on se fout, c’est bien de la cave inondée d’autrui. Nous feignons pourtant d’être bien embêtés, et toute société ne tient que grâce à ce ciment d’hypocrisie.

5.5.09

évidemment, si je ne dis rien, vous ne serez pas au courant
http://twitter.com/bluejuliette

26.2.09

la nouvelle année

apparemment, mon passage à la nouvelle année est même en retard par rapport à celui reconnu en Chine. je pense que je viens de faire le pas, le reste ayant été un long écrasement temporel. alors je dis bonne année aux amis lointains qui explorent des terres nouvelles.

23.12.08

les belles choses

moi qui ne suis pas aussi optimiste que certains de mes collègues sur l'évolution du monde, je voulais parler des quelques points qui me font plaisir dans le contemporain. ils ne sont pas originaux, et surtout, on les voit partout à la télé, je ne suis pas mieux informée que toi, cher lecteur, mais je me plais à faire des listes.
il y a l'élection de barack obama. ça ne changera peut-être rien, peut-être qu'il ne mettra pas la CMU aux états-unis et que l'éducation ne sera pas en si bon état que ça dans trois ans (même s'il essaie de copier l'école maternelle française avant son fracassement au fond du gouffre réformateur de nos contemporains gaulois). souvenons-nous un instant de catherine (katrina) et de la vaste majorité de personnes de peau noire écrasées par la catastrophe, du remplissage des prisons par des personnes de la même couleur en priorité et à plus de 80%, et puis il n'y a pas si longtemps de la ségrégation officielle qui marquait le pays qui vomit l'imaginaire collectif du monde post-... post-quoi d'ailleurs ? pas post-moderne, on l'aurait remarqué. post- .... post-ma naissance ? ça c'est sûr, mais ils avaient commencé avant. post-création du cinéma, on va dire, et migration des cerveaux là-bas pendant la dernière guerre, et migration dans l'autre sens avec le mac carthysme. c'est compliqué l'histoire idéologique. en tout cas, grâce à 24, et à son président noir depuis quelques saisons (et quel président ! rarement on vit président si humain et viril tout à la fois ! fendons-nous d'exclamation pour david palmer), remplacé par son frère noir, comme pour créer une de ces dynasties qu'affectionne ce grand pays de démocratie (démocratie : pays où la majorité et l'opposition, à un très haut niveau politique, se reproduisent de père en fille et de père en fils, sans aller dans les détails de liens cousinesques, de façon tout à fait ouverte et bien documentée, et très autorisée grâce à des instances de reproduction sociale fort efficace telles des grandes écoles --- d'ailleurs, le pouvoir se laisserait-il partager ? non. alors il est bien normal que ceux qui le portent soient obliger de le garder longtemps et de le transmettre à la chair de leur chair. la république bananière s'en différencie car (et là, cher lecteur, je te laisse le soin de remplir, car cet argumentaire m'est impossible à développer, je n'en sais mais)).
or donc, pour continuer mes réjouissances, il existe également des mouvements sociaux chez les voisins, à quelques mètres, dans un pays qui certes sent un peu la poussière (je me permets, j'ai visité et observé les comportements, vêtements et moustaches des hommes, particulièrement ringardes chez les plus de 30 ans (ce qui, je le répète, est jeune pour porter des costards en polymère et une moustache tombante, en ce siècle naissant). mais j'avais déjà noté dans les films que les modes en zone vers-balkanique était assez déprimantes) mais qui est finalement très proche de nous autres : la grèces. je ne suis pas ce qui se passe avec une attention soutenue, mais la destruction systématique de magasins de luxe, sans même leur cambriolage me réjouit (mais franchement, quel intérêt y aurait-il à posséder des montres abusivement chères ou des voitures de collection dans un monde comme le nôtre - déjà les pauvres conducteurs de 4x4 de nos villes, ces minables petits se(a)igneurs qui se comportent en roitelets de la route, d'un outil de distinction sociale ont fait un signe de vulgarité ostentatoire, alors comment rechercher encore l'objet qui différencie lorsque l'on est riche ? c'est d'une absurdité qui me semble si siècle dernier que je m'apitoie sur leurs neurones gonflés de graisses poly-insaturées (mais pas encore bio, parce qu'il n'y a pas la pub à la télé)). car les grecs n'hésitent pas à casser tout ça dans la joie et la violence trop longtemps contenues, et finalement, me réconcilient avec l'anarchisme dont je pensais qu'il ne m'allait pas au teint.
note un peu négative dans mon délire joyeux. lecture du livre qui compile des illustrations d'hara-kiri, et qui sort pour, je suppose, une dizaine d'années quelconque en forme de célébration. la sélection est étrange, car ne montre que les aspects de la provocation la plus vulgaire, sans tellement s'attacher aux travaux plus politiques et poétiques. je sais que le sexe était un sujet politique à l'époque, mais l'extraction de quelques éléments si directement tournés vers la monstration de zones érogènes sous toutes les formes a réussi à me lasser. connaissant une partie des documents originaux dans leur intégralité, je tiens à rappeler que le travail allait beaucoup plus loin que ça. un manque flagrant de dessins de reiser et de topor sont à déplorer (qui ne sont que très peu représentés). bref, je trouve peu représentatif le choix qui a été fait, mais je remercie quand même les auteurs de ces pages qui ont créé, pour moi, une mythologie toute particulière de l'opposition à la pensée dominante, d'une radicalité qu'on retrouve plus tard chez mon idole disparue, pierre desproges.
revenons aux plaisir de fin d'année, et la chaussure lancée sur g.w.b. bien sûr, c'est surtout le courage de ce journaliste, dont on se demande un peu ce qui a pu lui passer par la tête et dont j'aurais tout d'abord parier qu'il allait se prendre, dans un caboche justement, un chargeur bien plein de flingue de barbouze. et pourtant, il a bien exprimé un désaccord, et il n'aura que 15 ans de prison. je sais que l'opposition politique, dans de nombreux pays, coûte cher (et que ce sera bientôt le cas en gaule aussi). mais ce geste qui semble si futile et vaguement inefficace me touche particulièrement. surtout quand on sait que maintenant la mode est lancé et que le nec plus ultra des prochaines semaines sera de marcher dans les chaussures que portait cet homme (qui sont devenues des pièces à conviction, donc maintenant il porte des birkenstock offertes par un journaliste allemand en signe de soutien). le quart d'heure de célébrité qui coûte cher.
en gros, on peut voir que je me réjouis de plein de petites choses qui me semblent nous sortir de la routine télévisuelle de base, MAIS rien de tout cela en france. la crise mentale est toujours là, nous sommes des tristes et des peureux, et le secouage ne viendra pas en cette fin d'année, même si nos lycéens sont bien actifs en ce moment.
si tout continue à se réchauffer comme ça à l'international, par contre, je parie pour un printemps de fête. et souvenons-nous que les congés payés ont été faciles à instaurés car elles ont servi à arrêter les grèves de 36. on sait donc que si les vacances arrêtent les grèves générales, c'est qu'elles ont été conçues pour par les méchants capitalistes aux longues dents. d'ailleurs si vous voulez vérifier que la droite est plus maligne que ce que ses réformes destructrices de confiance dans le prochain et de tissu social laissent à penser, allez sur le site de l'élysée. je suis encore scotchée de sa qualité et de la déprime qu'il inspire (en même temps).

8.12.08

les recycleurs de rue

Je suis assez marquée par les reportages télévisuels en ce moment, principalement parce que dans ma bêtise contemporaine, je regarde beaucoup l'écran qui bouge tout seul et qui endort conséquemment les neurones. A l'instar de la publicité qui continue à exhiber une grande quantité de voitures et de produits de beauté pour pauvres, le reportage montre des régularités surprenantes. Je dirais, en gros, qu'on parle des ultra-riches et des populations à la limite et sous le seuil de pauvreté. Il n'y a pas tant de sujet autres concernant la France.
Hier, nous passions donc de Dubaï, où tout le monde était très excité par l'ouverture imminente d'un très grand hôtel, Atlantis, bâti autour d'un aquarium géant où se prélasse un adorable requin baleine adolescent nourri aux produits de la mer fraîchement sélectionnés. La femme du propriétaire, ancienne mannequin, se réjouissait en attendant d'enfiler sa robe pleine de paillettes chères. Les restaurateurs s'affolaient que leurs serveurs ne sachent expliquer la recette de la ratatouille, et le responsable des boissons n'avait pas reçu toute sa cargaison d'élixirs luxueux. L'on était bien bas mais encore stimulé par le stress, parmi ces personnalités à la réussite exubérante. Après, tout tournait autour d'un russe excité qui souhaitait jouer le héros devant sa dulcinée déjà conquise et parée pour la nuptialité.
Etrangement, j'avais du mal à sentir l'empathie nécessaire à ma concentration sur le sujet. Une forme de fadeur d'ennui me semble toujours suinter des amusements des riches, et j'ai du mal à entrer en vibration avec leurs libations.
Le reportage suivant m'a semblé plus porteur de thématiques touchantes, et ils s'agissait bien sûr de la deuxième extrémité de l'échelle des intérêts sociaux des grandes sociétés de production de l'écran sans fond. Les puces. Là où des petits font au quotidien vivre le commerce. Une étrange entreprise, où chacun prend des risques mesurés et étend doucement mais sûrement son emprise, en maîtrisant pas à pas de son développement. Et c'est ainsi que chez les plus pauvres, la récupération et la débrouille permettent de développer durablement (semble-t-il), et équitablement. Un grand entrepreneur, à l'échelle considérée, a monté un trafic honnête entre Tunisie et Paris en investissant 6000 euros qui se sont transformés en jeans et en sweat-shirt, classés selon plusieurs marques qui prétendent à la concurrence ("aux puces aussi on est au fait des techniques de marketing", dit-il). Les machines de l'usine sont vieilles, les tissus de récupération, les formes d'inspiration libre à partir des grandes marques. C'est une industrie qui n'existe donc qu'en creux de ceux qui ont innové et inventé la chaîne en premier, ont payé des créatifs et investi dans des machines qui tournaient rond (et certainement semblaient moins prêtes à exploser en projetant des aiguilles affutées en tout direction, mais les normes de sécurité varient d'un pays à l'autre). Pour être un chef d'entreprise, il faut cependant une énergie débordante, faire la surveillance des usines et l'entretien du moral des troupes, acheter le tissu (qu'il faut savoir identifier), décharger les cartons, vendre sur le marché en baragouinant dans une langue adaptée au client. Même si l'achat s'étend progressivement dans les boutiques environnantes et que la fonction "vendeur" se délocalise un peu en conséquence, on peut considérer qu'on a sous les yeux ce qui ressemblerait beaucoup à une chaîne courte du textile (un intermédiaire). Quand on plaint, légitimement, nos agriculteurs qui, s'ils veulent chaîner court, doivent savoir faire gestion et vente aguicheuse en sus d'un dur labeur terrestre, on note que les autres branches sont tout aussi dépendantes d'une inventivité et d'une énergie sans fin. On dira que c'est là le vrai commerce, viser une petit niche et l'investir du mieux que l'on peut, en la définissant et en rendant le client accro des produits y proposés et y définis par soi. On dira aussi que si la Chine veut supprimer le droit d'auteur, c'est bien parce que toute cette industrie ne fonctionne que si l'on copie sans souci les productions d'autres, chez qui la partition du travail et la spécialisation de chacun dans des corps de métier, est plus claires.
On vit d'autres narrations. Puis vint le tour du biffin. Hors du circuit, lui. Sans officialisation ni inscription. Pour lui, la baraka : point.
C'est un petit métier, qui se traduit un peu différemment dans notre ville du Sud, surtout parce que les lieux de vente doivent changer régulièrement (par exemple on y a mis des parkings ou des chantiers sans fin). Et aussi parce que les quartiers riches, ici, regorgent un peu moins que la capitale de poubelles débordant de mille feux. Les chiffonniers passent la nuit dans les poubelles, d'où ils reviennent exténués et hachés menus par la honte, la saleté, la fatigue. Le sous-prolétariat se lève ensuite à 7 heures pour s'aligner sur des rues où traînent leurs alter ego pas encore sdfisés, et avec qui quelques pièces s'échangent contre ces déchets revus à la hausse. Qu'on voit un produit rejeté devenir source de revenu est déjà assez désagréable, même si de nombreux films sur les poubelles du monde entier nous ont habitués à ce que pauvres et riches n'évaluent pas à l'identique le besoin de renouvellement de leur matériel quotidien. Plus violent encore est le retour de ce fonds de commerce au rôle d'ordure quand la police accourt, sommée par les sommets de nettoyer de la faune impure des zones mal sécurisées, et fait tout remettre là où le bourgeois et la société de c**on veut que le produit aille : la décharge, en passant par le camion-benne. A Marseille, sans cesse les vieux étaient délogés et perdaient leur butin. Maintenant leur marché fermé, ils sont, en bas de la rue d'Aubagne devenus très nombreux, mélangés qui plus est aux grands professionnels de cette activité que sont les migrants "roms" (s'ils le sont).
Vu depuis la population locale, une pratique courante revient à laisser les déchets qu'on envisage récupérables très visibles et loin d'une contamination de poubelle courante, pour faciliter le labeur des recycleurs des rues. Vu depuis le pouvoir en place, les difficultés qu'on leur fait sont peut-être justifiées, car ils sont si nombreux, dirait d'aucun, que l'ordre public pourrait en être troublé.
Ma question est : cela n'affole donc pas mon Etat et son gouvernement qu'ils soient si nombreux, d'une certaines façon si efficaces et créatifs, si utiles aux autres petites gens, et pourtant si empêchés, méprisés, sales, tristes, vieux prématurément, fragiles, exclus des règles de l'efficacité officielles, celle qui réduit le sens en augmentant la concentration de l'appareil productif (zet conséquemment de la récupération du profit) ? La grande pauvreté a toujours existé, mais en voyant que tant de parents se précipitent pour racheter des biens alimentaires non refrigérés et largement dépassés à des glaneurs de poubelles, je commence à frémir et à me demander si, finalement, les étudiants grecs n'ont pas un peu la bonne méthode de communication.

En passant, je dis bonjour à Paulo, mon lecteur du Nord, dont la fidélité ne m'a pas lâchée malgré l'irrégularité.

21.11.08

la rue

en bas du passage de lorette, une femme jeune mais énorme me demande de lui monter son panier. je me demande si j'aurais été ainsi interpellée si j'avais eu vingt ans de plus. j'espère dans tous les cas avoir plus de capacité de mouvement qu'elle en vieillissant, et même dans plus de 30 ans. Elle soufflait très fortement, au bord de l'étouffement, alors qu'elle n'avait pu se déplacer que sur une surface plane (vu l'environnement immédiat) et que son sac n'était pas très lourd. J'étais un peu triste pour elle et son handicap acquis. J'imagine bien qu'on peut voir un fait culturel dans le choix de la forme que l'on accepte, mais ça va un peu loin pour moi. Il est vrai que quand on mange en ayant une forme "mince", on a du mal à se projeter dans la consommation de nourriture d'une personne qui fait plus de deux fois son propre poids pour la même taille. Quelle vie quotidienne ? Je frémissais un peu.

En remontant vers le travail j'ai croisé un éminent collègue sociologue en train de frotter énergiquement les fenêtres de sa petite voiture. C'était assez rare et en même temps incongru. Donc forcément agréable.

20.11.08

l'absurdité 2013 : ça commence

Marseille 2013, vous connaissez ? une ville à la vie culturelle dynamique, mise en avant durant une année, sous la bénédiction du Parlement européen. Si l'on cherche quelques information sur la toile magique :
- wikipédia nous donne le but : « contribuer au rapprochement des peuples européens »
- le site d'inscription pour les villes françaises avec explication de la constitution du dossier nous informe du résultat : Lorsqu'une ville est nommée capitale européenne de la culture durant une année, des manifestations artistiques, des performances de toute culture s'y déroulent. (nda : est-il sous-entendu que d'habitude, non ?)
- ou, comme le dit directement le site de la Commision européenne : "La Capitale européenne de la culture constitue une opportunité inégalée de mettre en valeur la diversité de la richesse culturelle en Europe et les liens qui nous unissent en tant qu'Européens. Étant donné l'attrait que suscite cette manifestation, les villes européennes se disputent le titre avec ferveur."
- la notion d'éeuropéanité reste vague : "préparer un programme culturel remplissant des critères assez précis ayant trait à la dimension européenne de la manifestation et à la participation de ses citoyens. La dimension européenne s'illustre à travers les thèmes retenus et la coopération entre artistes et opérateurs culturels de différents pays amenés à travailler ensemble à l'occasion de la manifestation. Le programme doit en outre avoir des effets durables et contribuer au développement culturel, économique et social à long terme de la ville."

Après quelques minutes d'observation de ces sites, je n'ai toujours pas d'indication sur les critères de sélection précis ni le résultat réel (financement de projet, moyens débloqués pour valoriser la culture en général dans la ville ...).
Dans les discussions quotidiennes, ce à quoi chacun s'attend (sans y croire vraiment, mais il faut connaître ma ville pour comprendre), c'est à une redistribution de financements publics vers les acteurs de la vie culturelle de la ville. Ca semble envisageable, dira-t-on.
C'est pourquoi la mairie de Marseille a décidé de confier la campagne publicitaire de l'événement à une entreprise de communication parisienne.
(je n'aime pas ce type de procédé graphique mais ça semblait le seul point important du post).
C'est une riche idée. Cela rapproche les peuples d'Europe.
Mais est-il parfois arrivé que les structures institutionnelles de la capitale confie du travail à des entreprises marseillaises ? Je pense que rarement (comptons sur le doigt le plus à gauche de la main gauche). Alors comment dynamiser Marseille si les acteurs ne trouvent pas d'argent et que la mairie les prend pour des gogos incapables d'assumer un travail d'envergure ?
D'autant, que comme le rappelle la commission :
"Une étude réalisée par un expert indépendant sur les Capitales européennes de la culture entre 1995 et 2004 indique que la manifestation a suscité une réaction positive des médias, contribué au développement de la culture et du tourisme et amélioré l'image de la ville dans les yeux de ses citoyens. L 'UE souhaite que les prochaines Capitales développent plus encore les effets de long terme sur le développement culturel de la ville et des régions concernées.
La nouvelle procédure comprend également une importante phase de suivi après la désignation."
Evidemment, tout le monde notera que les diverses phrases copiées collées ici n'ont aucun sens. C'est pas faux. On ne sait pas ce qu'est une capitale européenne, à part un moyen de développer le tourisme. Donc : faire faire le logo par des parisiens et construire des hôtels de luxe pour vieux américains (les japonais ne viennent plus, le yen est trop faible).

7.10.08

mauvais esprit

mon employeur a changé de logo. il est bien entendu atrocement laid, bien pire que l'ancien qui avait un petit goût années 70 tout mignon (je ne sais réellement pas de quand il datait). le pire n'est bien sûr pas ce petit dessin hors de prix, mais l'accroche qui nous a été allouée. "dépasser les frontières". pour une institution attaquée de toute part, incapable d'employer les jeunes qu'elle forme et qui les oblige à partir à l'étranger pour croûter, je trouve ça d'un mauvais goût singulier.

dans la thématique du dépassement de frontières. au parc du XXVIeme centenaire, il y a beaucoup de petits enfants de toutes les couleurs qui jouent. plus ou moins petits, et surtout plus ou moins accompagnés de parents. dimanche, un groupe de petits garçons de 10 ans, à majorité noire. l'un d'entre eux dit à l'autre qu'on se tait "quand on n'a pas de papier. c'est pas moi qui suis venu à marseille à la nage". j'ai toujours été fascinée par les conflits au sein des minorités opprimées, je trouve que leurs parents pourraient leur apprendre des catégories un peu plus pertinentes pour décrire le monde.

17.9.08

vexée

Je lisais hier le courrier international (ce qui aurait pu me faire passer pour bobo il y a quelques années mais maintenant que tout le monde a arrêté de le lire parmi mes voisins et amis, c'est plutôt la preuve que je suis has been) et j'ai vécu un instant de grave humiliation. Je commençais un article sur le rire. Ce n'est pas vraiment une nouveauté pour moi, mais il semble qu'on ait de nouveau démontré dans un laboratoire de psychologie quelconque que le rire a une fonction de cohésion sociale et n'exprime pas seulement une réaction face à un événement drôle. Exemples, protocoles précis, avec humains et singes, et autres démonstrations. Au début de l'article, la blague fameuse : "deux muffins sont dans un four. le premier dit "oh la la qu'est-ce qu'il fait chaud ici" et le second s'écrit "oh un muffin qui parle"". Alors tandis qu'un bout de moi formulait très distinctement dans ma tête "ouah, j'adore cette blague, elle est trop drôle", un autre bout de moi continuait à lire la bafouille du journaliste (car je suis multitâche, par exemple je peux regarder les chiffres et les lettres en épluchant les patates et en discutant au téléphone, faire la vaisselle en chantant à tue-tête sur un clip vidéo, et je ne parle pas de toutes les circonstances complexes où je peux en plus mâcher un chewing-gum) et ce scribouillard dont l'histoire a déjà oublié le nom déclarait alors "j'espère que vous n'avez pas ri à cette blague minable".
Ca m'a vraiment vexée et je me demande si on a le droit d'écrire des paroles d'aussi mauvais goût dans des journaux.

Vie marseillaise. Je ne sais pas si vous prenez le métro en ce moment, mais depuis six mois, dès que je prends un transport en commun, je tombe sur des contrôleurs. Il y en a de plusieurs sortes, avec des uniformes gris, bleus, blancs, très divers, mais on les reconnaît bien par leur déplacement en troupeau et l'ustensile de contrôle, une petite boite noire qu'on imagine gavée d'électronique, et qui leur sert à tester les tickets. Pendant toutes les années précédentes, j'avais rencontré des contrôleurs trois fois en tout et pour tout, je n'ai pas d'interprétation sur leur soudaine apparition dans l'espace public. Avec tout cet argent dépensé pour leurs salaires, on ne pourrait pas bêtement rendre les transports en commun gratuits ? Je dis ça sans avoir aucune information quantitative sur les deux plateaux de la balance que j'énonce ici.

Avec la grande exposition à la Vieille Charité, on croise aussi plein de policiers en allant au travail. C'est pas que j'ai franchement un problème avec l'uniforme, mais presque, alors d'en voir partout dans la ville, ça me fatigue un peu. J'avais bien compris que c'est un choix politique contemporain, pas seulement de Celui-Qu'on-Ne-Peut-Pas-Nommer, mais qui s'étend à toutes les nations riches, mais est-ce une bonne façon de décorer les rues ?

10.9.08

la nuit marseillaise

Il y a un peu plus d'une semaine, le lundi 2 septembre, j'ai retrouvé des amis qui jouaient au paradox. C'était un mardi soir, en tout début de rentrée. Le concert était une improvisation suite à un désistement germanique (je crois) par manque de chance, et on y voyait trois groupes locaux de bonne qualité et sans aucun rapport les uns avec les autres : jours (en formation minimaliste, seulement clara et fred, voix douce et enthousiasme amusé, rigueur de la guitare, jolies mélodies), deschamps (qui réussit à faire des larsens au milieu desquels on entend encore une mélodie) et anything maria (étonnante présence scénique d'une post-punkette déguisée en petite japonaise mignonne).
La salle était pleine la plupart du temps, peuplée à craquer de gens beaux et branchés de tous les âges. Plusieurs remarques : étonnant de voir une soirée marseillaise en semaine aussi gaie, détendue, sans prétention, mais pleine de qualité musicale ; le début d'année ajoute à la surprise de tous les amis assemblés autour d'une table ; l'absence de fumée de cigarette est vraiment agréable pour la vie de nuit, on peut le dire : c'est la seule bonne chose qui nous soit arrivé dans le monde public depuis 1 an.

4.9.08

le magasin invisible

rue fontange, je vois un panneau dans une vitrine vide ouvrant sur un magasin en rénovation. "la vente de cierge d'hostie et d'objets religieux se poursuit au fond du magasin (prendre le couloir à droite)". et je découvre que dans cette rue il y a un magasin de rosaires, porte encens, prie-dieu, gourmettes de baptême, tableaux et cartes postales représentant un quelconque béatifié, vierges à l'enfant, chapelets, croix, crucifix, peut-être quelques fouets pour se purifier et quelques auréoles pour aller dans des fêtes très select. il faut que ça soit fermé pour que je remarque qu'on peut vendre ce type de produits, et à plus forte raison dans une rue que je fréquente avec une régularité absolue. en fait, c'est la deuxième fois que je découvre avec une surprise innocente qu'un magasin pareil existe, la dernière fois c'est miwako ma copine japonaise à qui je montrais la ville qui s'était arrêtée fascinée et avait pointé du doigt le collègue de mon voisin, plus proche de la rue de rome.
on est capable d'en rater des choses passionnantes...

3.9.08

économie

aujourd'hui, c'était la journée des histoires absurdes et je transmets brutalement.

une anecdote charmante narrée par Alan Kirman à la pause déjeuner. lors d'un colloque international d'économie il y a quelques années en russie à la cafétéria. il y avait deux possibilités pour payer son repas pour un participant ne possédant que des devises étrangères : soit payer directement en dollar, soit changer à un kiosque à l'entrée, de dollar en rouble, et payer en rouble. le taux de change implicite de la cafétéria était d'environ 1 dollar pour 500 roubles, tandis que le kiosque proposait un taux de change clairement affiché de 1 dollar pour 1000 roubles. Dans la queue, Alan a repéré au moins 3 prix Nobel d'économie (dont les noms resteront secrets à jamais) qui sont allés payer directement en dollar. faites leur confiance, après ça....

un collègue, p.b. (à qui je n'ai pas demandé l'autorisation de le citer) était en italie cet été et achetait son pastis en supermarché. commentant auprès de sa femme, il dit "c'est pas très intéressant finalement", puisque de la france à l'italie, on gagne deux euros sur quinze, ce qui ne rembourse pas le prix de l'essence pour traverser la frontière. il a alors été interpellé par un couple à l'air retraité et à l'accent de l'est de la france, dont le mari lui a expliqué que si si, c'est intéressant, puisqu'on paie en euros italiens et pas français. devant l'air étonné du collègue, le vieux a sorti un ticket de caisse en montrant la conversion de euro à lire en bas du document, ce qui pour lui prouvait bien qu'il ne s'agit pas des mêmes euros (puisqu'en france, la conversion est d'euros en francs, non ?). comme autre preuve il a aussi raconté une histoire de paiement en euros allemands un peu obscure. ici, implicitement, l'euro italien est plus bas et l'euro allemand est plus haut. après je m'étonne encore que malgré toutes les informations à la télé, beaucoup de français continuent à soutenir celui-qu'il-ne-faut-pas-nommer. c'est simplement qu'ils ne savent pas traiter les informations, ça ne va pas plus loin.

1.8.08

Lidl Bouddha

contexte de la journée : durant mon footing en atmosphère chaude et polluée du matin, j'ai croisé le canard idéal pour ma réincarnation au cas où je retombe dans ma montée vers le nirvana à cause de toutes les fautes et impuretés que je commets chaque jour (je sais que si on est politically correct, on ne parle pas avec légèreté des croyances religieuses, mais je ne le suis pas, justement). la raison de mon choix les couleurs. le canard avait le bec vert presque fluo, les pattes oranges pétant et le corps noir sobre. voilà comme je veux être dans ma prochaine vie.

et voici mon aventure du jour d'hier. j'ai ouvert le paquet que mon doux et tendre a acheté pour moi chez lidl, et sorti de ce carton un superbe bouddha de 25 cm de haut, en plâtre. mais ce n'est pas n'importe quel traitement du plâtre. ici, on a choisit "imitation vieille pierre", et il y a des défauts verdâtres pour signifier la fausse mousse posée sur quelques parties et des fissures comme une vieille statue laissée dans le jardin pendant des dizaines d'années. nous étions fascinés par tant de kitch, d'où un cri de mon doux : "ils sont trop forts les chinois". là, au niveau de la réalisation de produits manufacturés moches et de mauvais goût à bas prix, on fait difficilement mieux.
bien sûr, je ne recommande à personne l'achat d'un bouddha en plâtre ; par contre comme l'association d'idées à fait jour immédiatement, je recommande violemment l'achat de La Marie en plastique (Rabaté et Prudhomme, Futuropolis/Gallimard).

Hier aussi je me suis souvenu du petit bal perdu.

31.7.08

la tête de la fille

avant de commencer, une petite note pour mon demi fidèle lecteur (c'est le traitement que nous, économistes, réservons à une personne qui fait une action seulement un jour sur deux, nous le coupons en tranches grâce à l'usage subtil des probabilités) : hier c'était la sainte juliette, et je n'ai eu que deux sms. mais personne ne regarde la météo et les saints du lendemain à la télé ou quoi ?
bon.
ce matin, devant l'église du vieux port (qui a sûrement un nom), il y avait un tas de zonards habillés en vieilleries militaires. ce tas était constitué d'éléments plutôt jeunes et d'un vieux, un peu plus abîmé. ils avaient visiblement déjà ingéré des produits toxiques et cela forçait la plupart à rester assis, et rendait leur présence un peu vitreuse. un des jeunes gars aurait pu être assez beau avec ses yeux d'un bleu transparent et ses cheveux blonds presque frisés, un peu longs. mais visiblement, la vie qu'il mène avec ses amis lui a détruit suffisamment le quotidien pour que son regard soit vide et un peu effrayant de ce fait. il y avait un chien, et en tout cinq hommes, une seul debout titubant, les autres assis sur des sacs de couchage crasseux. derrière le potentiel joli garçon, une jeune femme brune était assise. vraiment jeune, plutôt une fille de fait, le visage bien bronzé, les cheveux lisses attachés en catogan, la main posée sur sa paume de main, et regardant plutôt le vide. sa présence semble incongrue, car elle n'a pas une tête de zonarde du tout, plutôt de jeune fille polie de classe moyenne qui n'a pas particulièrement besoin de se détacher de son groupe social ni de prouver au monde qu'elle est cool. on la voit bien à science po ou en étude de psycho. elle a l'air de s'ennuyer.
j'imagine qu'elle a rencontré ce type un peu séduisant au camping où elle était avec ses copines, et l'été aidant elle a décidé de le suivre, laissant les autres rentrer à la maison. maintenant, elle se demande comment elle va expliquer à ses amies qu'elle est tombé dans un plan nul et que ce type est un looser. oscillation entre ennui, intérêt sociologique et peur du ridicule.