22.4.08

日本

Quelques rares personnes, moins rares que celles qui poseront les yeux sur ces lignes, mais tout de même une quantité négligeable en comparaison avec la population francophone, se souviennent que j'apprécie tout particulièrement être au Japon. Il se trouve que par chance, je suis en ce moment au pays du soleil blablabla et que je peux donc voir des carpes de la taille d'une cuisse de hell's angel s'ennuyer au fond d'un ruisseau vaseux. Car sans carpe, pas de Japon. Sans arbre à fleur et jolies feuilles rouges non plus. Sans vélo ni machine vendeuse de boissons, que dire ? Et sans masque à enrhumés, on n'imagine même pas.
Quelques éléments nouveaux dans le paysage : à la télé, on voit un reportage sur une jeune femme qui se promène en mini-jupe et string dans une rue de tokyo, et qui lève la jambe comme une danseuse devant des photographes amateurs sur-excités. Comme mon japonais ne permet pas de saisir les explications de la jeune femme, je reste incapable de vous donner ses motivations. Sa voix exprime un certain contentement. Je lis le journal et constate que, dans le Japan Times, la plupart de l'espace est consacré aux nouvelles internationales (par exemple, les chinois ont des parcs de protection et d'élevage de panda, dans lesquels ils leur font faire de l'exercice sexuel pour les pousser à se reproduire plus). Il reste quelques lignes sur Yasukuni Jinja et toutes les bonnes justifications sont données à la visite de nombreux membres du parlement à ce sanctuaire plutôt associé aux débordements nationalistes. Quelques tribunes sur le Tibet. Comme Nicolas S. ne fait pas de bêtise ridicule en ce moment, rien sur la France. Globalement, plutôt du fait divers ou de l'actualité brute, les colonnes de commentaires n'étant pas sur des sujets très nippons.
Pour les détails du quotidien : à l'université de Tsukuba, on croise des professeurs se cachant dans les recoins de couloir pour se laver les dents en paix. On pourrait se dire qu'ils ont l'air ridicule avec de la mouche qui sort de la bouche, mais a-t-on possiblement l'air bête quand on fait un geste d'hygiène de base dont on sait que presque personne ne l'accomplit après le repas du midi en France. Egalement, combien de français se lavent les mains avant de passer à table ? Personnellement, sur toutes les fois où j'ai mangé au restaurant avec des collègues ou des amis, je n'ai jamais vu personne me suivre vers les lavabos. On dit parfois que cela explique beaucoup les taux d'incidence de gastro.
Pour info, les cafeteria du campus de Tsukuba délivre une nourriture abjecte.
Pour info, les cours d'aikido de l'université de Tsukuba ont lieu tous les jours de 17h30 à 19h30 et certains sempai sont très sympathiques (je n'ai pas demandé à y aller, je n'avais même pas de keikogi, mais mon collègue, connaissant mon intérêt, a tout organisé pour qu'on me prête un gi et que je m'incruste au cours. J'ai finalement eu droit à une pratique particulière avec un ancien, troisième dan qui pratique depuis 17 ans, c'était très bien).
La pluie est arrivée après le beau temps. A la télé, toujours cette fascinante présentation du temps qui donne les probabilités de pluies dans chaque grande ville. Tout cela a à voir avec la langue japonaise elle-même, où les chances et risques s'expriment de façon très précise, chaque mot ayant un équivalent presque quantifiable en proba. Alors ils comprennent ce genre d'information. Pratique, mais sûrement pas adapté à la télé française.
Bonne nouvelle : je me rends compte que j'ai maintenant le niveau pour comprendre les infos à la télé et lire Yotsuba, manga pour enfants plutôt mignon.

1.4.08

jet yoyo

La chance de la semaine c'est de pouvoir passer de l'heure d'hiver à celle d'été puis en arrière et de nouveau en été. Comme un yoyo. En arrière, c'est en Angleterre, le beau pays vert pelouse où les petits moutons courent joyeusement dans les pattes de maman, où les contrôleurs de train ont parfois une dizaine de piercings sur le visage, où le poids moyen de tout individu de plus de quinze ans semble le double de celui d'un continental, où l'on vous appelle "love" quand on vous propose de choisir entre le thé et le café. Parlant de café, si la nourriture servie au centre de conférences de l'Université de Warwick est étonnamment bonne au vu du pays dans lequel ce centre est situé (rappel historique : talonnant la Pologne qui se situe sans conteste en première ligne, l'Angleterre est l'un des pays où l'on mange le plus mal en Europe), le café ne déroge pas à sa réputation et rejoint l'ignoble. Malgré ce léger défaut, le centre de conférences est un lieu paradisiaque, aux chambres majestueuses nettoyées tous les matins, au bar ouvert le soir et prêt à accueillir le pauvre voyageur jet yoyoté avec une guiness tirée hors des règles de l'art mais dont le goût est délicieux puisque l'on a passé le channel, où l'on peut prendre comme dessert du cheese cake ET du carrott cake ET de la salade de fruits, mais aussi où l'on pense à servir les petits bouts grillés de peau grasse détachée du jambon cuit qui est très laid à regarder et représente une charge calorique inacceptable pour un organisme sain mais qui fait le bonheur des gourmands, où l'on sert *oh bonheur suprême* des rognons délicatement cuits au petit déjeuner, où le wifi est accessible dans toutes les salles communes, où les salles de réunion contiennent un distributeur d'eau décore de bonbons violets de bonbons jaunes de bonbons verts de bonbons oranges qui chacuns ont des goût différents mais sans être associables à un fruits particulier, une prise réseau et un cable éthernet posés avec attention sur le bureau de la chambre, où chaque salle de bains contient savon gel-douche shampoing mouth-freshener (qui doit avoir une traduction en français) chapeau de douche coton-tige crème pour le corps, crème pour le corps que l'on retrouve dans les toilettes à côté du savon liquide dans sa version "crème pour les mains", toilettes où l'on a d'ailleurs le choix entre le séchage manuel sur papier ou le séchage électrique par ventilation, les salles de réunion ouvertes à tous les participants pour s'isoler, le prêt sans garantie d'un adaptateur électrique que l'on reçoit contre une recommandation "please bring it back when you are done with it", où un sèche cheveux une télé une bouilloire et un tas de sachets de thé café décaféiné tisanes ornent le long bureau, où l'on trouve même dans l'armoire des objets saugrenus et parfaitement inutiles tels qu'une table et un fer à repasser. Le seul petit défaut est le risque de se perdre entre les petits salons, la salle de jeux, l'internet café, le distributeur d'argent, la photocopieuse. A ce stade, on soupçonne que l'idée de rassembler tout l'essentiel d'un conférencier dans le même bâtiment découle de deux facteurs qui empêchent les braves travailleurs sortant de leurs réunions de satisfaire tous leurs besoins : le temps certainement horrible qui écrase le ciel local en hiver, et de l'isolement de l'université au milieu de la campagne, paradisiaque depuis hier puisque les fleurs y pointent et les petits moutons s'y ébattent.
Le lecteur pourrait légitimement se dire que je parle beaucoup des petits moutons. Il faut savoir que dans ma jeunesse, je m'étais crue capable de tout plaquer pour partir en Angleterre vivre au milieu de champs rasés de près par ces charmants mammifères peu alertes. Depuis, j'ai compris que de jolis paysages ne s'obtiennent qu'au prix d'une pluie agaçante et d'une solitude déprimante. Je préfère donc me délecter d'une opportunité comme celle que je connais aujourd'hui, voir les alentours de Coventry sous le soleil et lorsque la nature s'éveille à la sortie de l'hiver tout en travaillant dans des conditions optimales avec de brillants collègues.