31.7.08

la tête de la fille

avant de commencer, une petite note pour mon demi fidèle lecteur (c'est le traitement que nous, économistes, réservons à une personne qui fait une action seulement un jour sur deux, nous le coupons en tranches grâce à l'usage subtil des probabilités) : hier c'était la sainte juliette, et je n'ai eu que deux sms. mais personne ne regarde la météo et les saints du lendemain à la télé ou quoi ?
bon.
ce matin, devant l'église du vieux port (qui a sûrement un nom), il y avait un tas de zonards habillés en vieilleries militaires. ce tas était constitué d'éléments plutôt jeunes et d'un vieux, un peu plus abîmé. ils avaient visiblement déjà ingéré des produits toxiques et cela forçait la plupart à rester assis, et rendait leur présence un peu vitreuse. un des jeunes gars aurait pu être assez beau avec ses yeux d'un bleu transparent et ses cheveux blonds presque frisés, un peu longs. mais visiblement, la vie qu'il mène avec ses amis lui a détruit suffisamment le quotidien pour que son regard soit vide et un peu effrayant de ce fait. il y avait un chien, et en tout cinq hommes, une seul debout titubant, les autres assis sur des sacs de couchage crasseux. derrière le potentiel joli garçon, une jeune femme brune était assise. vraiment jeune, plutôt une fille de fait, le visage bien bronzé, les cheveux lisses attachés en catogan, la main posée sur sa paume de main, et regardant plutôt le vide. sa présence semble incongrue, car elle n'a pas une tête de zonarde du tout, plutôt de jeune fille polie de classe moyenne qui n'a pas particulièrement besoin de se détacher de son groupe social ni de prouver au monde qu'elle est cool. on la voit bien à science po ou en étude de psycho. elle a l'air de s'ennuyer.
j'imagine qu'elle a rencontré ce type un peu séduisant au camping où elle était avec ses copines, et l'été aidant elle a décidé de le suivre, laissant les autres rentrer à la maison. maintenant, elle se demande comment elle va expliquer à ses amies qu'elle est tombé dans un plan nul et que ce type est un looser. oscillation entre ennui, intérêt sociologique et peur du ridicule.

30.7.08

un temps de fric

il est intéressant d'écouter les discussions dans la rue, parfois. d'autres fois, ce sont les conversations qui s'imposent à nous et qui sont plutôt fatigantes. nous avons un jardin. une courette pour être plus précise. celle-ci donne sur une allée bordée de végétation, dont elle est séparée par des canisses, et qui donne elle-même sur la rue. et il arrive souvent que des groupes de citadins, qu'on suppose sans jardin individuel, viennent dans notre allée déambuler. il y a quelques temps, un type charmant était assis devant le bassin aux poissons (et à grenouille), lisant une bande dessinée, pendant qu'un bambin ronflait dans sa poussette. il m'a dit habiter à proximité et venir profiter des poissons et du calme avec son fils. parfois, des bandes de jeunes viennent s'installer là pour se bécoter, boire de la bière, fumer de l'illicite. ceux-ci sont un peu plus embêtants car ils choisissent des horaires nocturnes pour s'adonner à leurs vices, ce qui peut gêner dans le sommeil. ils se font en général virer à coups de pieds dans le derrière par une bonne âme de l'immeuble. enfin, une nouvelle catégorie de visiteur, plus clairement ancré dans la pure nuisance, a fait son apparition hier. le promeneur de chien à téléphone. le bonhomme, à la voie plutôt jeune mais pas tant que ça, ce qui indiquait qu'il s'agissait d'un abruti et pas un adolescent peu conscient de l'usage de l'espace sonore, faisait des aller-retours dans l'allée, parlant au téléphone sur des sujets outrageusement insipides, nous imposant même des erreurs de numéros absolument pathétiques. son principal sujet de conversation : le forfait millenium qu'il utilise fièrement et ses relations avec son opérateur de téléphone. pendant qu'il devisait gaiement et longuement (une bonne demi-heure de conversations enchaînées) en citant des sommes d'argent à toutes les phrases, il laissait son chien caguer là où nous passons tous les matins. apparemment, la tendance contemporaine de la vie sociale se résumait bien dans le comportement décrit ici : je vous chie dessus et je ne pense qu'à mon fric. vive les forces de dissolution sociale en marche.

28.7.08

fortune cookies

chez mon traiteur chinois préféré, j'ai acquis deux fortune cookies par hasard. je ne décrirai pas ce hasard car il est trivial et futile, mais son résultat est épatant, car je pense devenir rapidement une accro aux fortune cookies. pas une accro pour le goût, je ne les ai même pas mangés car ils m'ont servi de dépannage pour l'apéro de mon fils, celui qui aime la nourriture plus que son papa, sa maman, sa nounou, la fille de sa nounou, ses grands-parents de sang et par alliance, ses oncles tantes et cousins, les vavas (animaux et machines mouvantes), le foot, spiderman, le jet de sable ou de gravier, l'eau qui coule, réunis. il a donc mangé les fortune cookies, mais moi je les ai ouverts et ai lu le petit texte.
description.
le fortune cookie est constitué de deux parties équivalentes à défaut d'être parfaitement identiques, de forme convexe avec une partie plutôt plane et une autre bombée. il est d'une couleur tendant sur le jaune et sa texture s'approche d'un sablé très fin. il est creux à l'intérieur et se brise aisément en son centre, lieu de réunion des deux parties. lors du bris, on récupère un papier de 1 cm sur 4 environ, dont chaque face est ornée d'un texte. d'un côté le texte en rouge est en chinois, de l'autre côté le texte en noir est en français. ou semble être en français d'après l'arrangement des lettres, mais je ne peux pas prouver cette hypothèse.
quand je me rendis propriétaire du fortune cookie (j'en ai acquis tous les droits, même celui de le détruire totalement ou au contraire de m'en servir comme compost ou monnaie d'échange, comme c'est bon la propriété privée), la dame m'a signalé que c'est un fortune cookie et devant mon air torve à ajouté : un porte-bonheur. en fait, j'ai fait semblant d'être bête car j'ai déjà entendu parlé du principe. une petite phrase qui oscille entre l'annonce d'une bonne nouvelle et un vieux proverbe qui aide à faire des choix dans la vie.
le premier fortune cookie va plutôt dans le sens de la nouvelle :
"Vous faites des jaloux à cause de votre personnalité."
il reste délicat de décider si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle, puisque faire des jaloux n'est pas quelque chose d'idéal, et "à cause" renforce cette idée, mais quand je me dis que la jalousie (qui serait, plus strictement, l'envie, je pense) est due à ma personnalité, c'est que je suis une personne trop chouette comme dirait le petit nicolas. donc, c'est une bonne nouvelle. voilà pour le premier fortune cookie.
déjà à ce stade, on comprend grâce à une unique interprétation de bon sens que je puisse devenir accro de ce type de lecture : je suis folle.
suite : le deuxième fortune cookie, qui va plutôt dans le sens du proverbe :
"Aucune main est pure quand le chef a changé."
déjà, là, ça devient plus complexe de décider du sens (je continue à supposer que c'est une traduction en français, jusqu'à preuve du contraire). je ne m'attarde pas sur les problèmes syntaxiques qui n'empêchent pas réellement de saisir la direction du discours. ce que je comprends, c'est que si le chef change, ceux qui l'ont suivi vont se faire couper les mains (ou zigouiller, ou mettre au placard, ou torturer, ou bannir, ou offrir un poste mirobolant si on a affaire à notre "celui qu'il ne faut pas nommer" contemporain, le roi du diviser pour mieux régner) par le nouveau. c'est un proverbe plein de bon sens, et qui me fait anticiper les retournements de politique sur mon lieu de travail dans les prochaines années.
on comprend mieux l'institution du fortune cookie quand on voit tous les amusements qu'on peut tirer pour 15 centimes d'euros, dans cette ère de vie chère.

22.7.08

extases

seules quelques personnes très sensibles pourront comprendre l'extase qui je connus de façon répétée en cette journée. ce matin, marchant tranquillement dans la rue, j'ai dégainé un paquet de granola, que j'ai savouré en évitant le soleil déjà chaud du matin (car chocolat et soleil, à l'instar de peau et soleil, ne sont pas amis tendres et chers).
arrivée au labo, j'ai ouvert le gros carton arrivé il y a peu, et découverte mon imac. je n'aime pas faire de pub, mais si on n'appelle pas un imac un imac, on ne peut pas comprendre ce qu'il y a de jouissif dans son déballage. je passe les détails techniques initiaux, pour parler du transfert de mes données, qui s'est fait sans y penser, grâce à un petit fil fire wire. le nouvel imac (gudule pour les intimes) a avalé toutes les données de shubaka (un gentil mac book pro très méritant). puis il a régurgité tout = connexion réseau déjà prête, tous les mots de passe et les identifiants de tous les sites oueb, mon livre d'adresses, mon calendrier, mes préférences. j'ai devant les yeux un jumeau un peu plus rapide. j'ai en plus, sachant que je ne veux pas me la jouer exhaustive car les forums sont là pour ça : leopard. et leopard, ça veut dire qu'on voit l'intérieur des fichiers sans les ouvrir, avec mail on peut faire des notes et des tâches comme un bloc-note, mais dans un des lieux qu'on fréquente en général assidûment (le mail). soudain, un nouvel espace quotidien, encore plus évident et ergonomique, s'ouvre à moi, tandis que plusieurs personnes que je connais tentent de revendre leur ordinateur sous vista, dégoûtés qu'ils sont de ne pouvoir utiliser une quelconque application.
alors, bien qu'il y ait des inégalités palpables dans ce monde, je suis joyeuse.
alors j'écris des messages insipides, mais qui me font oublier le monde pourri de la politique française et mon président qui n'a pas peur de se transformer en honte historique sur trois générations (après il sera largement oublié).