14.11.06

au paradis des parturientes

une petite visite dans un hopital français vous rappelle que l'incompréhension est un phénomène universel. je parle ici de mon incompréhension face au monde, qui reste le même ici ou là-bas. et pourquoi ? parce que tout le monde vit dans un univers où il sait ce qui va se passer, ce qui doit arriver après, et ne se rend même plus compte que les pauvres mortels qui l'entourent n'ont pas l'aisance de mouvement et d'anticipation du visionnaire, englués qu'ils sont dans le décryptage des signes et l'assimilation lente d'une normalité issue d'un univers parallèle.
nous sommes donc un tas de grosses dans une salle d'attente. cette salle est celle du couloir de gauche de la maternité sainte monique, en direction des gynécologues, le couloir de droite étant prévu pour l'attente de l'échographie médicale. ici, on parle de médical, car il s'agit de vérifier sans cesse que nous ne sommes pas malades. dans ce but, nous ("nous", fières reproductrices de l'espèce tombant sous la responsabilité de la grande République) faisons pipi dans un bocal tous les mois, et avec une fréquence analogue versons quelques gouttes de sang dans un tube sous vide. souvent aussi nous passons du temps avec du gel sur le ventre, celui qui permet une meilleure circulation des images de l'échographie, celle-ci, "fonctionelle", permettant de mesurer des membres, vérifier la présence de quatre ventricules à un petit coeur, la capacité à faire pipi, et d'autres caractéristiques essentielles d'un monstre issu du paléolithique en voie d'humanisation. depuis le début nous savons que le sacrifice de notre temps passe entre autre par un pesage régulier avec recommandations culpabilisatrices sur notre surcharge pondérale inconsidérée, prise de tension, tatage de lieux et d'espaces que je ne saurais nommer car ma pudeur est mise à l'épreuve.
à ces exercices de style que les médecins dévident avec un sérieux et un désintérêt qui rappelle le manque de passion de l'égorgeur de poulet dans la grande industrie, nous devons bien sûr ajouter des durées d'attente frisant l'insalubre et des rites opaques et inquiétants. bien sûr, nous sommes fragiles et fatiguées, porteuses du futur et à protéger. cela ne nous empêche pas de subir des examens barbares tels que l'ingurgitation de 50 grammes de glucose à jeûn, suite à quoi l'on peut patienter une heure sur une chaise en plastique avant de se faire piquer une fois de plus le creux du coude. au fur et à mesure, on vous ajoute des rendez-vous et rencontres fascinantes - le centre de transfusion sanguine n'étant pas le moindre des affolantes administrations. bien sûr si vous vous approchez d'un hopital, sachez que vous en avez pour quatre heures si le ciel vous est clément. déjà le retard du début d'après-midi est par convention de une heure et quart ; par la suite on observe des disparitions subites et inexpliquées (les secrétaires disparaissent à 5 h, laissant nos masses informes s'avachir de plus en plus dans l'angoiss d'une attente sans fin) de médecin qui part, mollet vif et sans un mot, aider un bébé hésitant à franchir le grand pas. le vide de l'attente n'est comblé que par quelques coups de fil agacés de femelles à qui la faim fait bouilloner l'humeur. finalement, nous repartons pour un examen n ièmement obscur, où tout va bien et personne ne s'en plaint.
cette série d'exercices a très certainement pour but d'augmenter la patience des mères, afin de les préparer à une future vie où l'inexpliqué prendra une place sans commune mesure avec ce qu'elles ont subi depuis leur entrée à la maternelle.

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